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Pollution en Corse : «Il faut remonter à l’auteur du dégazage»

La Surfrider Foundation annonce porter plainte contre X, dans l’espoir de retrouver le navire responsable de la pollution marine aux hydrocarbures lourds qui menace ce samedi la côte est de l’île.
par Miren Garaicoechea
publié le 12 juin 2021 à 14h20

Une pollution aux hydrocarbures s’approche dangereusement de la côte est de la Corse ce samedi. Vendredi, deux nappes de matières polluantes ont été observées à l’est de l’île, entre Aléria et Solenzara, lors d’un exercice militaire aérien. Des plages ont été fermées, la pêche interdite et de nombreux moyens déployés, tandis que les nappes se rapprochent du rivage. Le plan Polmar Terre a été actionné par la préfecture, et une enquête ouverte. Selon les autorités, cette pollution marine serait vraisemblablement liée au dégazage illégal d’un navire en Méditerranée. L’ONG Surfrider Foundation Europe, impliquée dans la lutte contre la pollution marine, annonce ce samedi son intention de porter plainte contre X dès la semaine prochaine. Une procédure judiciaire permettrait de remonter jusqu’aux responsables de cette pollution, détaille Antidia Citores, responsable plaidoyer de l’ONG.

Qu’espérez-vous en portant plainte ?

D’abord connaître l’auteur de cette pollution. Ici, il ne s’agit pas d’un flagrant délit. On veut donc pousser les autorités à mener l’enquête, et remonter à l’auteur. En utilisant un transpondeur AIS par exemple [un système d’identification automatique, ndlr]. Cette boîte noire est présente sur chaque navire, et géolocalise en permanence le navire. Couper son transpondeur reviendrait déjà à démontrer une intention malveillante.

Ensuite, l’étude de la dérive des nappes d’hydrocarbures peut servir à découvrir l’itinéraire de la nappe et remonter à son lieu d’origine, en analysant notamment la courantologie, le lieu, le type de fioul. La préfecture est déjà en contact avec le Cedre [Conseil et expertise en pollutions accidentelles des eaux], basé à Brest, à même de mener ces recherches. Pour l’instant, ils ont identifié le type de fioul, mais nous ne savons pas s’ils ont déjà enclenché la modélisation.

Les autorités évoquent un dégazage «vraisemblable». Comment ce procédé fonctionne-t-il ?

Si on est sur un tanker, un transporteur de pétrole comme pour l’Erika, il peut s’agir de deux choses. Soit un lavage de cuve, après une livraison. Le navire se lave en pleine mer plutôt qu’au port, il remplit d’eau de mer et vide intégralement sa cuve. Soit une vidange à l’eau, pour faire partir les résidus de l’entretien du navire : machines, eaux huileuses… Toutes ces prestations payantes doivent normalement être faites au port. C’est aussi pour cela que nous souhaitons porter plainte : pour dissuader d’avoir ce genre de comportements.

Cet épisode de pollution diffère-t-il des précédents qu’a connus la France ?

Les dégazages de la vingtaine d’affaires que l’on suit habituellement, certains en procès, concernent des essences plus raffinées, des rejets huileux, plus volatiles, qui s’évaporent plus facilement. Ils se diluent, s’évaporent, et n’atteignent pas la côte. Là, il s’agirait d’une nappe de fioul lourd. Plus visqueux, il ne se dissout pas, se gorge d’eau et augmente donc en volume.

Mais les risques sont quand même là, notamment le mazoutage d’oiseaux ou d’espèces protégées, comme le balbuzard pêcheur. La Corse présente une biodiversité riche, avec la réserve naturelle marine et terrestre de Scandola à proximité. La pollution à terre est l’autre gros risque. Les côtes sont rocheuses, donc en termes de substrats, cela peut être difficile à nettoyer, avec de la matière incrustée ou difficile d’accès. Nous ne voulons pas que les bénévoles se mettent en risque sanitaire, les collectes doivent être réalisées par la sécurité civile. Comme la préfecture, nous appelons à ne pas ramasser ces déchets soi-même. Pour les oiseaux retrouvés mazoutés, il faut les signaler en appelant le centre de refuge de la Ligue pour la protection des oiseaux. A quelques jours de la saison estivale, plusieurs questions se posent : comme nettoyer cette pollution ? Quel risque pour les estivants, et quelle saison touristique pour la région ?

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